Laure Verhaeghe
Co-fondatrice et directrice générale
Vous vous êtes peut-être parfois demandé pourquoi certains projets dans les EnR n’étaient accessibles qu’à certains départements ? Le nouveau Règlement unique Européen du Crowdfunding est t’il favorable au développement des EnR ? LENDOSPHERE va t’il en profiter pour s’internationaliser ? Laure Verhaeghe, Co-fondatrice de LENDOSPHERE, répond à nos questions.
A&$ : Alors que la transition énergétique est un sujet majeur, de nombreux investisseurs qui souhaiteraient s’impliquer plus sur ce sujet se voient limités du fait que certains projets sont accessibles uniquement à certaines régions. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui font qu’un projet peut se voir limiter géographiquement ?
Laure Verhaeghe : Il est en effet fréquent que les collectes dédiées aux énergies renouvelables soient réservées à un territoire, dont le périmètre est précisé pour chaque opération. Deux raisons expliquent cette particularité :
- Certains projets sont lauréats d’appels d’offres nationaux pour les énergies renouvelables. Ces appels d’offres prévoient un bonus pour les projets qui s’engagent à proposer du financement participatif selon certains critères. L’un de ces critères est géographique : ces projets ne peuvent être proposés qu’aux personnes qui résident dans les départements d’implantation et voisins de la centrale solaire ou de la ferme éolienne. Nous devons donc limiter la totalité de la collecte à ces départements.
- D’autres projets sont présentés par les développeurs d’énergie renouvelable en réponse à une attente de leurs riverains et des élus du territoire, dans le cadre de la concertation approfondie qui accompagne le développement de ces projets. Nous définissons alors le périmètre de ces collectes avec les développeurs et les acteurs du territoire. C’est pourquoi ces opérations leur sont, en tout ou partie, réservées.
Pour tenter de satisfaire l’ensemble de notre communauté d’investisseurs, nous proposons le plus souvent possible – sans jamais sacrifier la qualité de notre travail de sélection des projets – des collectes ouvertes au niveau national. Par exemple ce mois-ci, trois opérations d’envergure sont ouvertes à tous, pour une ferme éolienne, une centrale solaire et une entreprise de gestion d’actifs renouvelables.
Projets EnR ouverts à tous – LENDOSPHERE
A&$ : Dans le domaine des EnR, nous observons 3 types de projets :
– Des projets ouverts uniquement à certains départements / régions
– Des projets qui s’ouvrent dans un second temps à l’ensemble des Français
– Des projets ouverts à tous les Français dès leur ouverture
Quels sont les critères ou législations qui mènent les projets dans l’une de ces 3 catégories ?
Carte des collectes – LENDOSPHERE
Laure Verhaeghe : Les projets de la première catégorie sont les projets lauréats des appels d’offres nationaux, dont le cahier des charges impose que seuls les départements d’implantation et limitrophes des projets peuvent participer aux opérations. Ces collectes ne sont ainsi jamais ouvertes à un territoire plus large.
Les projets de la deuxième catégorie sont ceux pour lesquels la priorité est de permettre aux riverains de participer : une partie du temps et de l’objectif de collecte leur est réservée. Ces collectes peuvent être ouvertes à un territoire plus large que le périmètre d’implantation du projet. Nous en tenons informé notre communauté directement sur la page du projet et par notre newsletter, en indiquant le calendrier et les étapes d’ouverture de la collecte.
Enfin, les projets ouverts à tous répondent à un besoin de financement de la part du porteur de projet. Pour les énergies renouvelables, ce sont des besoins de financement corporate (directement pour la maison mère des projets), ou des besoins de financement dits « bridge », qui permettent par exemple de couvrir les premières phases d’un chantier avant l’obtention du financement bancaire. Ce ne sont pas les projets les plus nombreux, mais ce sont ceux pour lesquels les objectifs de collecte sont les plus importants. Nous avons ainsi présenté une trentaine de campagnes d’un montant supérieur au million d’euros.
A&$ : On note que les délais de clôture de certains projets limités géographiquement peuvent être parfois un peu long (surtout dans les régions moins denses). Est-ce un frein pour vous ? Est-ce la raison également de votre partenariat avec Wiseed ? Que se passe-t-il si un projet limité géographiquement n’atteint pas le montant recherché ?
Laure Verhaeghe : C’est tout à fait juste ! Alors que notre communauté d’investisseurs est aujourd’hui capable de financer des collectes de l’ordre du million d’euros en quelques jours, les collectes réservées géographiquement peuvent prendre plusieurs semaines pour quelques centaines de milliers d’euros. C’est un frein pour la dynamique des collectes, qui demande donc que ces opérations soient présentes sur le site de façon plus longue. Mais ces collectes ont une visibilité territoriale importante grâce à notre travail d’information sur le terrain, permettant à des personnes qui n’auraient pas forcément adopté le financement participatif d’avoir le temps de se renseigner et de prendre part à cette nouvelle forme d’épargne. Ainsi, notre communauté d’investisseurs est aujourd’hui très bien répartie sur tout le territoire français, grâce à ce travail important d’information autour de chaque collecte.
Notre partenariat avec WiSEED avait pour but d’accélérer les dynamiques de collecte pour ces projets lauréats des appels d’offres, mais WiSEED a choisi de se désengager de ce type d’opération. A ce jour, nous réussissons grâce à notre communauté d’investisseurs, à compléter ces opérations sans difficultés. Ce qui est essentiel pour les développeurs d’énergie renouvelable : si une collecte pour un projet lauréat des appels d’offres n’atteint pas son objectif, alors le projet perd son bonus et écope d’un malus sur le tarif d’achat de l’électricité qu’il produit. Cela n’a jamais eu lieu à ce jour.
A&$ : Y a-t-il à plus ou moins long terme, des chances de voir ces barrières géographiques sauter et ainsi permettre à tous les Français d’être égaux vis-à-vis d’un éventuel engagement à soutenir le développement des EnR ?
Laure Verhaeghe : Nous aimerions vraiment que cette barrière soit levée pour les projets lauréats des appels d’offres, qui représentent aujourd’hui la majorité des collectes mises en ligne. Nous avons avancé l’argument d’une inégalité incohérente entre les Français, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir investir dans les énergies renouvelables, à la fois pour la solidité des projets présentés et le sens qu’ils donnent à l’épargne. Nous n’avons pas été entendus à ce stade par le régulateur.
A&$ : Alors que la loi PACTE qui vient d’être votée, vous permet à présent de financer des projets jusqu’à 8M€, il semble qu’un règlement unique Européen va lui limiter les financements à 5M€. Quand on sait que le financement des EnR nécessite de lever des montants très important, cette limitation à 5M€ est-elle une régression pour vous ?
Laure Verhaeghe : C’est effectivement une avancée moindre que celle prévue par la loi PACTE, mais qui permet tout de même le doublement du plafond jusqu’alors autorisé. Les projets d’énergie renouvelable ont la particularité d’être très capitalistiques et, avec l’immobilier, ils sont ceux qui bénéficient du relèvement de ce plafond. Nous avons à plusieurs reprises atteint le précédent maximum de 2,5M€, et nous pouvons désormais répondre à de plus vastes besoins de financement de nos partenaires. Dans les 2 cas (5 M€ ou 8M€), c’est une avancée qui permettra le changement d’échelle de notre plateforme.
A&$ : Avec le règlement unique Européen qui vise à faciliter le financement transfrontalier des entreprises, a-t-on une chance de voir LENDOSPHERE proposer un jour des projets dans les différents pays européens ?
Internationalisation
Laure Verhaeghe : Les développeurs d’énergie renouvelable ont déjà, pour la plupart, une vision européenne de leur activité – certains sont des filiales françaises de groupes allemands, belge, portugais, etc., ou sont des PME ou groupes français qui se déploient au-delà de nos frontières. L’internationalisation de notre activité est un des axes de développement évident de Lendosphere, que nous visons à l’horizon 2021.
A&$ : Avec le succès du Crowdfunding immobilier et des EnR, on observe plusieurs plateformes généralistes évoluer vers ces catégories de financement. Comment voyez-vous cette nouvelle concurrence et plus globalement, comment voyez-vous évoluer votre marché des EnR pour les 2 / 3 années à venir ?
Laure Verhaeghe : Par conviction, Lendosphere est dédiée aux énergies renouvelables depuis sa création. Nous croyons au financement participatif comme outil de sensibilisation et d’appropriation des enjeux de la transition énergétique, qui est un des enjeux majeurs de notre siècle. L’objectif est d’associer le plus grand nombre aux projets de la transition énergétique, pour en favoriser le développement harmonieux sur les territoires. Certaines plateformes, qui enregistrent des taux de défaut importants sur des campagnes généralistes, se sont positionnées sur ce secteur dont les acteurs présentent un profil de risque modéré à faible et des besoins de financement important. Cette concurrence révèle le dynamisme de notre marché et conforte sa pérennité, ce qui est une bonne chose pour nos partenaires comme pour les investisseurs.
Le marché des EnR continuera de se développer, en suivant une croissance à 2 chiffres dans les trois années à venir.
A&$ : D’autres choses que vous souhaiteriez partager avec nos lecteurs ?
Laure Verhaeghe : N’hésitez pas à vous intéresser de près aux sujets de la transition énergétique ! C’est un secteur passionnant. Et nous remercions notre communauté d’investisseurs pour leur fidélité et leur confiance : grâce à eux, près de 60M€ ont été investis via Lendosphere pour 190 projets d’EnR. Tous leurs remboursements ont été honorés en temps et en heure, ce qui est exceptionnel en financement participatif.
Bonjour Alain91, et merci pour votre message ! Pour ce cas précis, la collecte a été mise sur liste d’attente et réouvrira à tous dès lundi prochain. Bien à vous, Laure